“Belaïfa, la Sculpture” : Sculpteur et fier de l’être… “Belaïfa, la sculpture” est un nouveau livre d’art qui tente de sculpter avec les mots ainsi bien qu’avec les images, le voyage de l’artiste Boujemaâ Belaïfa au cœur de la matière. Dans une édition luxueuse, “Belaïfa, la sculpture” vient de paraître chez L’Or du temps tirant au clair la démarche artistique de l’un des maîtres de la sculpture en Tunisie: Boujemaâ Belaïfa. Les gestes et les pensées se sont rencontrés dans ce livre d’art pour raconter l’histoire de cet homme avec la création. Sur les traces de nos ancêtres qui ont fait de la poterie un art majeur, Boujemaâ Belaïfa a essayé de revaloriser cet art moins connu désormais du public. Tout au long de 209 pages, Tahar Gallali, professeur à la Faculté des Sciences de Tunis, nous relate les bribes de l’aventure artistique de Belaïfa, le sculpteur. Un dialogue impressionnant entre l’artiste et le scientifique que dévoilent les commentaires signés par T. Gallali. “Il est peut-être temps de mettre fin à cet acharnement, à prouver que les scientifiques sont des gens normaux parce qu’ils font aussi de la musique ou de la sculpture comme tout le monde”, écrit-il. Disciple de l’un des pionniers tunisiens de la sculpture, à savoir Ridha Ben Abdallah, Boujemaâ Belaïfa a choisi en 1969 de quitter Tunis pour Paris afin de préparer le diplôme de sculpteur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Au-delà de la sculpture, Boujemaâ Belaïfa multiplie les casquettes: peintre, dessinateur, enseignant universitaire et artisan de bijoux. L’universitaire Azza Maâoui qui a préfacé ce livre n’a pu résister au charme qu’exercent les œuvres de Belaïfa. “Observez-le à l’œuvre et vous serez étonné des rapports amoureux qu’il entretient avec ses objets et ses choses. Il maltraite ce qu’il récupère des rebuts, ausculte, examine, élimine le superflu et de l’ensemble de son système sensoriel il progresse vers le dedans afin d’en extraire le sens” note Azza Maâoui. Ces remarques jaillissent dès le premier regard jeté sur les œuvres de Belaïfa; un recyclage poétique et romantique de la matière marque les créations de ce sculpteur qui a coupé avec la tradition grecque de sculpter le marbre. Ce matériau noble n’a pas réussi à séduire notre sculpteur qui a opté pour trois autres matériaux: la terre cuite, l’acier récupéré et le plastique pour donner le jour à des idées et surtout à des émotions. Avec Boujemaâ Belaïfa, la terre cuite prend une forme, se transforme en un corps plein de vie. Au moment de la création, le sculpteur oublie les barrières pour laisser libre cours à ses mains. Pour s’exprimer et surtout pour exprimer son esprit de rébellion. “Veillée”, créé en 1996, témoigne de l’ouverture de ce sculpteur sur l’univers théâtral. “Veillée” est une mise en scène d’un groupe de personnages: hommes, femmes enceintes, jeunes et adultes, enfermés dans une cage. Seul leur regard triste et chagriné traverse les barreaux métalliques. Cette mise en scène traduit cette angoisse qui marque la vie de l’homme contemporain. “Veillée” est un cri d’indignation contre toutes les formes d’injustice, d’humiliation… Les souffrances humaines sont créées, pétries et sculptées avec poésie et tendresse où le vide devient expressif, porteur d’un message et d’une idée. Avec une iconographie riche et variée, le livre “Belaïfa, la sculpture” a mis en exergue à quel point cet artiste s’identifie à son art. Il vit par et pour la sculpture. En feuilletant ce livre, le lecteur n’a pas besoin de mots pour plonger dans l’univers de ce sculpteur, car les œuvres traduisent elles-mêmes les maux de ce créateur au moment de cet “accouchement” artistique, douloureux et impressionnant à la fois. Imen ABDERRAHMANI